Dès les premières heures de son existence en tant qu’État indépendant et souverain, la République démocratique du Congo s’est dotée, en vertu de la Loi fondamentale du 19 mai 1960 relative aux structures du Congo, d’une juridiction constitutionnelle portant la dénomination de « Cour constitutionnelle ».
L’installation effective de celle-ci n’a pourtant pas été facile. Elle a suivi un long et tortueux cheminement, ponctué de diverses péripéties.
En effet, après une quarantaine d’années de tergiversations, principalement dues à un manque de volonté politique, la Cour constitutionnelle a finalement été installée en 2015, sous l’empire de la Constitution du 18 février 2006.
Sous la Loi fondamentale du 19 mai 1960 relative aux structures du Congo, la Cour constitutionnelle fut régie par son titre VI. Elle était composée de trois chambres, dont une chambre de constitutionnalité, une chambre des conflits et une chambre d’administration. Dans ses dispositions transitoires, la Loi fondamentale du 19 mai 1960 avait, toutefois, reconnu au Conseil d’État du Royaume de Belgique la compétence d’exercer – selon la procédure qu’il devait lui-même déterminer – les compétences dévolues à la Cour constitutionnelle en attendant son organisation légale. Mais en pratique, cet aménagement transitoire a été inopérant, en raison notamment de la dégradation des relations diplomatiques entre le Congo et la Belgique après la mutinerie de l’armée en juillet 1960 et l’intervention contestée des forces militaires belges au Congo.
À l’instar de la Loi fondamentale qu’elle est venue abroger, la Constitution du 1er août 1964, dite Constitution de Luluabourg, avait également institué une Cour constitutionnelle. Mais le coup d’État militaire du 24 novembre 1965 avait stoppé net le processus d’installation de cette juridiction constitutionnelle. En ses lieu et place, il fut plutôt reconnu à la cour d’appel de Léopoldville la compétence d’exercer transitoirement les attributions dévolues à la Cour constitutionnelle.
Ayant abrogé à son tour la Constitution du 1er août 1964, celle du 24 juin 1967 institua aussi, à côté d’une Cour suprême de justice, une Cour constitutionnelle. Mais celle-ci ne sera pas non plus installée, tandis que seule fut installée, en 1968, la Cour suprême de justice. Suivant l’article 122 alinéa 1 de l’ordonnance numéro 69-2 du 8 janvier 1969 relative à la procédure devant elle, « La Cour suprême de justice, sections réunies, exercera jusqu’à l’installation de la Cour constitutionnelle, les attributions de celle-ci ».
Lors de la révision constitutionnelle du 15 août 1974, la Cour constitutionnelle a finalement été supprimée et ses compétences ont été dévolues à la Cour suprême de justice qui sera, pendant longtemps, l’unique juridiction suprême du pays, appelée à jouer à la fois le rôle de juge judiciaire (juridiction de cassation, principalement), de juge administratif et de juge constitutionnel.
Plus tard, la Cour constitutionnelle renaîtra de ses cendres avec la Constitution du 18 février 2006 qui, sans conteste, marquera un tournant décisif dans la perspective de la mise en service effective d’une juridiction constitutionnelle autonome en République démocratique du Congo. C’est en effet cette Constitution qui a définitivement consacré l’éclatement de la Cour suprême de justice en trois hautes juridictions distinctes: la Cour de cassation, le Conseil d’État et la Cour constitutionnelle. Au-delà de l’institution d’une juridiction constitutionnelle autonome , la Constitution du 18 février 2006 a surtout donné naissance à deux ordres de juridictions distincts, les juridictions de l’ordre judiciaire étant chapeautées par la Cour de cassation, tandis que le Conseil d’État trône au-dessus des juridictions de l’ordre administratif.
Conformément à l’article 223 de la Constitution du 18 février 2006, la Cour suprême de justice a, jusqu’en 2015, exercé à titre transitoire les attributions de la Cour constitutionnelle, en attendant l’installation effective de celle-ci.
Cette longue marche conduira d’abord, à la signature, par le Président de la République de l’ordonnance n° 14/020 du 07 juillet 2014 portant nomination des premiers membres de la Cour constitutionnelle, à savoir Messieurs BANYAKU LUAPE EPOTU Eugene, ESAMBO KANGASHE Jean-Louis, FUNGA MOLIMA MWATA Évariste-Prince, KALONDA KELE OMA Yvon, KILOMBA NGOZI MALA Nöel, LUZOLO BAMBI LESSA Emmanuel Janvier, LWAMBA BINDU Benoît, VUNDUAWE te PEMAKO Félix et WASENDA N’SONGO Corneille.
Mais avant la prestation de serment de ces membres, l’un d’entre eux, en l’occurrence Monsieur LUZOLO BAMBI LESSA Emmanuel-Janvier, fut appelé à des fonctions incompatibles avec celles de Juge à la Cour constitutionnelle. Il fut remplacé par Monsieur MAVUNGU MVUMBI-di-NGOMA Jean-Pierre qui, en vertu de l’ordonnance présidentielle n° 15/022 du 31 mars 2015, rejoindra la première composition de la Cour.
La première composition de la Cour constitutionnelle prêtera serment le 04 avril 2015.
Elle élira ensuite son tout premier Président, en la personne de Monsieur LWAMBA BINDU Benoît, qui fut investi en cette qualité par ordonnance présidentielle n° 15/024 du 11 avril 2015.
La Cour constitutionnelle nouvellement installée tiendra enfin, le 29 mai 2015, sa première audience publique, à laquelle fut appelée la cause enrôlée, à la requête du Président de la République, sous le numéro R.Const. 0014, portant sur le contrôle de la conformité à la Constitution de la loi organique modifiant et complétant la loi organique n° 06/020 10 octobre 2006 portant statut des Magistrats.
Depuis, sa jurisprudence ne cesse d’être enrichie par la production d’arrêts donnant solution à des litiges aussi complexes qu’inédits.
La justice constitutionnelle congolaise, autant que la Cour constitutionnelle qui l’incarne, ont ainsi pris place au centre de toutes les attentes pour l’édification d’un véritable État de droit démocratique au service du Peuple congolais.